Santé verte: docteur ‘insecte en médecine’

Insectes en medecine
Les insectes: un monde étrange, foisonnant, et surtout bien grouillant... Ce qui en repousse plus d'un, du moins dans nos pays européens. Car sur d'autres continents, la population n'a pas perdu l'habitude de se nourrir de bestioles de tout calibre et autres larves. Non seulement ils les mangent –et de bon cœur - mais en plus, ils se soignent avec... Zen et saine attitude, puisque de nombreux travaux démontrent les qualités des insectes pour s'assurer une santé de fer. Vous serez surpris de découvrir lesquels...

En fait, les propriétés médicales des insectes sont connues et avérées depuis fort longtemps. En occident, nous pratiquions largement cette médecine aux insectes. Représentant 60 % des espèces vivantes sur terre, les insectes sont probablement la plus grande source de richesse méconnue, qui permettra de nourrir et de soigner les hommes dans un avenir proche.
À quand le remboursement des sauterelles par votre mutuelle? Ce n'est pas encore d'actualité, mais il existe déjà sur le marché russe une molécule extraite d'insectes pour soigner l'herpès.

Les travaux récents remis au goût du jour s'orientent notoirement sur 2 voies:

  • d'une part les propriétés associées aux défenses immunitaires des insectes, qui permettront l'élaboration de traitements de soins en cas de contamination,
  • d'autre part, les propriétés tueuses d'autres molécules qui détruisent directement les microbes avant qu'ils aient produit leurs effets.

Résistance aux maladies: une propriété mutuelle à de nombreux insectes

Larves et nymphes anti microbes

Les chercheurs s'attardent particulièrement sur les insectes holométaboles. Ce sont ceux qui se métamorphosent dans leur cycle de vie: larves ou nymphes avant la forme adulte. Exemple: Coléoptères (coccinelles, charançons, scarabées...), Diptères (mouches, moustiques, libellules...), Lépidoptères (papillons...). Ils seraient particulièrement efficaces contre les microbes, du point de vue des mécanismes de défense immunitaire.

Insectes tueurs de bactéries

Au-delà des mécanismes de "réparation", on s'intéresse aussi aux aptitudes de certains insectes à secréter des molécules qui tuent les bactéries les plus agressives, avant même qu'elles contaminent le sujet. Une compétence d'autant plus appréciable qu'elle semble adaptative: de nombreux insectes démontrent une capacité à développer leur immunité aux insecticides et aux germes, entre autres.

La force des médicaments à base d'insectes

La grande force des molécules produites par les insectes par rapport aux antibiotiques classiques, serait d'agir en attaquant directement les bactéries sans que celles-ci puissent développer de résistance. Une manne dans la lutte contre les germes bio-résistants, à l'origine des maladies nosocomiales qui envahissent nos hôpitaux et cliniques.

Cafards tueurs de staphylocoques!

Ces immondes bébêtes toujours associées à un manque d'hygiène, seraient les championnes de la lutte contre les maladies nosocomiales. Quelque part logique, quand on considère les milieux dans lesquels ils vivent et prolifèrent, et leur étonnante insensibilité à de puissants insecticides.

Des chercheurs britanniques viennent de démontrer que grâce aux cafards, ont pourrait détruire 90% des staphylocoques dorés résistants à la méticilline (antibiotique).
Escherichia coli, dans sa forme pathogène, qui provoque gastro-entérites, septicémie et autres empoisonnements, trépasse aussi.

Rassurez-vous, vous n'aurez pas à les croquer accompagnés du café du matin: les travaux portent sur les 9 molécules extraites essentiellement du cerveau de ces insectes, que l'on saura mettre en gélules. Gageons que le nom de la molécule ne commencera pas par cafard: ce sera plus facile à avaler!

Médecine chinoise à 6 et 8 pattes

Depuis longtemps, la pharmacopée chinoise utilise les insectes dans ses recettes santé, en soins préventifs comme en médicament:

  • Cigale (variété chinoise): tonique du système nerveux, cette espèce possèderait 7 molécules dont les pouvoirs anti-cancéreux ont été démontrés.
  • Nid de guêpe: anti-inflammatoire, antibiotique, il serait également anti-cancer associé à certaines plantes.
  • Cafard: utilisé comme antibiotique, il traite aussi les hématomes, les otites...

Médecine occidentale aux insectes

Sur la question des pratiques médicales à base d'insectes, nous n'avons rien à envier à nos cousins asiatiques ou africains. Nous avons simplement commis l'imprudence de nous "jeter" sur les alternatives chimiques modernes, plus rassurantes pour nos esprits cartésiens, et surtout plus rentables pour certains. Difficile en effet de déposer un brevet sur les fourmis pour s'octroyer le monopole d'un médicament. Mais nous avons cette connaissance. Nos grands-parents et lointains aïeux y ont eu recours, dès le Moyen-âge ou même l'Antiquité:

  • Les cantharides ou Mouches espagnoles récoltées au printemps servaient à élaborer des remèdes contre les maux de poitrine ou des potions aphrodisiaques.
  • Certains scarabées (dont la Lucane, ou 'cerf-volant', le scarabée sacré...) étaient utilisés comme diurétique, ou contre les rhumatismes, la goutte, les problèmes néphrétiques, l'épilepsie, l'otite, certaines affections des yeux et une liste interminable de maux ...
  • Les asticots nettoient les plaies et peuvent stopper la gangrène: cette pratique réapparaît sous le nom de "Maggot therapy".
  • Le jus de grillons aiderait à préserver la vue.
  • Les fourmis étaient utilisées pour leur acide formique, censé posséder des vertus toniques.
  • Limaces et escargots (les cousins gastéropodes de cette pharmacie insectoïde) dévorés crus guérissaient la tuberculose (et sont encore utilisés dans la fabrication de certains sirops contre la toux).

Insectes et Santé du futur: une problématique à résoudre

Les insectes thérapeutiques apparaissent une solution d'avenir à certains problèmes de l'humanité:

  • leur haute teneur en protéines les fait apparaître comme une solution possible à la famine et aux difficultés de nourrir une population mondiale qui augmente de façon exponentielle,
  • leur résistance aux maladies et particulièrement aux bactéries fait d'eux les antibiotiques du futur

Mais il existe un double problème pour fonder de vrais espoirs sur ces perspectives.

D'abord la défense de l'environnement

Nous détruisons les milieux avant même que certaines espèces soient découvertes ou simplement étudiées. Nous réduisons la surface des milieux où de nombreuses espèces peuvent proliférer.
Sans même tenir compte de cette considération, il faut savoir que pour obtenir une toute petite quantité de molécule / médicament, il va falloir 20 g d'extrait d'insectes, soit 200 à 300 individus...
Bien qu'ils pullulent assez facilement, la quantité d'insectes nécessaire pour à la fois nourrir et soigner la population mondiale, ou même réduite à un petit pays comme la France, est énorme.
Une fois de plus, la préservation de notre environnement est la première de nos urgences.

Ensuite les moyens financiers

Bien évidemment, l'autre nerf de la guerre, ce sont les finances. Des sociétés pionnières dans le domaine de la recherche biomédicale spécialisée sur les insectes ont dû fermer, faute de moyens, malgré les succès probants et très prometteurs de leurs travaux.
Comme Entomed, fondée en 1999 par Jules Hoffman, membre de l'Académie des sciences, directeur de l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire du CNRS de Strasbourg. Entomed a dû mettre la clé sous le paillasson en 2005, faute de moyens, alors qu'elle employait 40 salariés.

Et les recherches évoluent doucement... Sauf quand on dégage une molécule isolée que les laboratoires peuvent plus facilement s'approprier, bien qu'ils ne l'aient pas créée.
Il est difficile d'obtenir une exclusivité sur ce genre de marché. Et avec des investisseurs qui préfèrent parier sur les brevets plutôt que sur le savoir-faire, le pouvoir des monopoles nous tuera sans doute plus vite que les maladies elles-mêmes. On est encore bien loin de trouver l'insecte ou la plante qui nous protègera des lobbies!

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